J'aurais peut-être du commencer par lui, mais voilà, le hasard en a décidé autrement, et c'est le fiston qui a eu les honneurs de commencer ma série sur les maîtres italiens de l'horreur. Si Lamberto possède une filmographie assez inégale, c'est déjà moins le cas avec son père, véritable artisan du cinéma, et qui fait partie des rares réalisateurs autant appréciés des cinéphiles que des cinéphages (petit exploit en soi...). Même si je ne suis pas un fanatique absolu du bonhomme (j'ai beaucoup plus de plaisir à défendre un Lucio Fulci, par exemple...), je me suis rendu compte petit à petit du talent de ce réalisateur, qui a apporté tant de choses au cinéma fantastique et d'horreur, et ca n'est pas pour rien qu'il a eu une influence décisive sur certains réalisateurs contemporains, tel un Tim Burton traumatisé par le Masque du Démon. Malgré cela, la renommée de Mario Bava n'est pas vraiment proportionelle à ses capacités de cinéaste et c'est donc avec un devoir de mémoire que je rédige ces quelques lignes...
Le Masque du Démon (1960 - La maschera del demonio)
Sans doute le film le plus emblématique du maestro. Je l'ai vu une première fois très jeune lors d'une soirée spéciale fantastique sur une chaîne belge, mais si le début m'avait laissé un bon souvenir, je dois avouer que le reste avait un peu disparu de ma mémoire. Il faut dire que le film suivant était Hurlements de Joe Dante, que je n'avais jamais vu, donc la grosse claque (les loups-garous de Rob Bottin restent la référence absolue, en ce qui me concerne). Mais laissons de côté ces grands poilus, et intéressons nous plus en détail à cette histoire de sorcière. Il s'agit justement d'un personnage typique appartenant au folklore fantastique qui a rarement connu les honneurs d'un film à la hauteur de sa réputation. Seul les Walt Disney sont parvenus à nous concocter des sorcières dignes de ce nom, c'est dire. Le seul film vraiment réussi reste pour moi le Suspiria d'Argento. Et ce Masque du Démon, dans une moindre mesure. Le film commence par la traditionnelle scène de bûcher, mais tellement parfaite esthétiquement qu'elle s'impose immédiatement comme une référence. C'est l'occasion de vérifier les talents de Bava, dans un noir & blanc sompteux et de découvrir la troublante Barbara Steele. Cette actrice anglaise deviendra malgré elle l'égérie de films fantastiques et gothiques dont le Pit and the Pendulum de Corman et Danse Macabre du duo Corbucci/Margheriti. Joe Dante s'en souviendra en faisant appel à ses services dans Piranha mais elle évoquera parfois sa carrière avec amertume, déçue de ne pas avoir eu sa chance dans un registre plus "sérieux". Il faut dire qu'elle a vraiment marqué les esprits dans le rôle d'Asa Vadja, sorcière qui mourra avec son amant et qui, bien entendu, profèrera la malédiction d'usage, en promettant de revenir se venger. C'est à ce moment que l'inquisiteur ordonne au bourreau de placer le masque du démon sur le visage de la pécheresse. Ce masque est hérissé de pointes à l'intérieur, détail qui d'ailleurs a marqué le jeune Tim Burton, et qui n'a pas su s'empêcher de faire un hommage dans Sleepy Hollow. Le bûcher est ensuite allumé, mais les forces du mal viendront en aide à leur servante en déclanchant une tempête qui éteindra le feu. La sorcière meurt de douleur et est ensuite placée dans un cerceuil pourvu d'une croix, qui l'empêchera de revenir à la vie.
Une sorcière pas tout à fait reconstituée...
Deux siècles plus tard, deux médecins de passage vont pénétrer dans la crypte, leur carosse étant immobilisé temporairement. Evidemment, ce n'est pas un hasard, et à nouveau les forces du mal, bien aidées par la curiosité des scientifiques, vont faire renaître la sorcière. Et c'est un peu ici que les choses se gâtent pour le spectateur que je suis, le reste du film ne parviendra plus à atteindre l'excellence de cette longue introduction et la fameuse sorcière sera finalement sous-exploitée, à ma grande déception. C'est encore l'amant de celle-ci, également revenu d'entre les morts, qui sera le plus inquiétant, dans certaines scènes absolument magnifiques.
"Le carosse de monsieur est avancé... Ma sorcière bien-aimée voudrait vous voir..."
L'idée de prendre comme héros des scientifiques qui ne croient pas aux légendes, tout comme le spectateur, permet une identification assez rapide. Mais il manque un je ne sais quoi de palpitant pour en faire un excellent film. En l'état, les amateurs d'horreur gothique à l'ancienne seront comblés, tout y est: brouillard, manoir, crypte, passage caché, etc, etc... Les autres risquent de trouver le spectacle un peu désuet. Ou bien comme moi, ils passeront un bon moment, s'émerveillant parfois sur certains plans et sur une Barbara Steele assez magnétique. En remettant les choses dans leur contexte, pour un film de 1960, Le Masque du Démon a tout de même fière allure.
Verdict: 7/10
Le corps et le fouet (1963 - La frusta e il corpo)
19ème siècle. Les Menliff sont tout sauf ravis de voir débarquer au chateau Kurt, l'aîné de la famille (le grand Christopher Lee, dans tous les sens du terme). Après s'être absenté pendant de longues années, il est de retour pour constater que sa cousine Nevenka, son ancienne amante, s'est finalement mariée avec son frère, sous influence paternelle. Ajoutez à cela que Kurt a eu par le passé du sang sur les mains, et vous obtenez une belle petite bombe prête à exploser. Les vieilles rancoeurs refont surface, les vieux amours également, il n'en faut pas plus pour qu'un meurtre se produise. Et c'est la première surprise du film: Chris Lee disparaît après 25 minutes, son personnage goûtant au tranchant d'un poignard! Heureusement pour le spectateur, il reviendra pour hanter le château, afin d'accomplir sa vendetta. Le tout dans une atmosphère qu'affectionne tout particulièrement Mario Bava: un vieux château, le sifflement du vent, le tonnerre et les éclairs, la crypte familiale, sans oublier les savants éclairages qui donnent un aspect onirique à l'ensemble... Si de nos jours, une telle ambiance ne fait plus vraiment peur (ou alors, c'est moi qui regarde trop de films d'horreur/épouvante :-) ), elle a par contre l'avantage de plonger l'amateur de ce genre de films dans une sorte de cocon confortable, de donner l'impression d'être dans un lieu familier, tout en gardant un scénario suffisamment ambigu pour semer le doute.
Nevenka scrute l'obscurité...
La jolie interprète de Nevenka (Daliah Lavi) assure à elle seule le spectacle, évidemment grâce à un adorable minois, mais aussi grâce à sa folie qui menace d'exploser à tout moment, la mort brutale de son ancien amant l'ayant sérieusement ébranlée. Un brin de sadomasochisme est ajouté pour couronner le tout, Kurt appréciant de fouetter sa belle même par delà la tombe. Cette histoire d'amour sulfureuse va plonger toute la famille dans un océan de doutes et de paranoïa, jusqu'au dénouement final, pas trop mal foutu, d'ailleurs!
Verdict 7/10
Les trois visages de la peur (I tre volti della paura) - 1963
Peut-être le premier film d'épouvante qui se compose de trois sketches. Le réalisateur va donc explorer trois peurs différentes à travers trois histoires différentes:
- Il Telefono/Le téléphone: une jeune femme (Michèle Mercier, très loin de son personnage phare Angélique...) est persécutée au téléphone par son ancien amant, un gangster qu'elle a finalement envoyé en prison. Mais il s'est justement évadé aujourd'hui et il a visiblement soif de renvanche! Seulement voilà, les apparences sont parfois trompeuses et on ne connait jamais assez les gens...
- I Wurdulak/Le Wurdulak: un comte trouve un cadavre sur son chemin vers une ville voisine. En se rendant à la maison la plus proche, il fera connaissance avec la famille de l'assassin et sera rapidement confronté à la légende locale: le Wurdulak, campé par un Boris Karloff, toujours aussi impressionnant. Sans doute pas le meilleur comédien au monde, mais sa présence à l'écran suffit pour alourdir l'atmosphère de quelques tonnes...
- La Goccia d'Acqua/La goutte d'eau: une comtesse vient de décéder d'une crise cardiaque et on appelle une jeune femme d'urgence afin de préparer le corps pour les funérailles. En voulant lui passer une robe, elle remarque une bague qui doit valoir une fortune et ni une ni deux, le bijou disparaît dans ses attributs mammaires! Mais on ne vole pas les morts comme ça, et à son retour chez elle, le fantôme de la comtesse va se faire une joie de la tourmenter jusqu'à la mort...
Les trois sketches sont de qualité équivalente, même si le premier m'a un peu moins emballé, vu son absence totale de fantastique. Mais le suspense tient la route, grâce au jeu convaincant de l'actrice principale. Et cette sonnerie de téléphone vous vrille vraiment la cervelle... Le son sera d'ailleurs un élément important qu'on retrouvera dans la troisième histoire, notamment avec cette fameuse goutte d'eau. En effet, sans doute rongée par la culpabilité, la voleuse entendra distinguement une goutte d'eau tomber dans sa maison. D'abord à l'évier, ensuite à la baignoire et finalement à cause du parapluie trempé. La situation pourrait être drôle dans un Charlie Chaplin, mais ici, grâce au son, on sait que quelque chose de terrible va se passer.
Retour au deuxième segment, le plus long des trois, il me semble. Si le résumé que j'en ai fait peut sembler mystérieux, il l'est tout de suite moins si je vous annonce qu'un Wurdulak est tout bêtement un vampire. Et l'histoire se concentre surtout sur la perte d'un être aimé, passé de l'autre côté. Ce qui donne une très bonne scène lorsque la mère entend son fils, emmené quelques heures plus tôt par le Wurdulak, revenir pendant la nuit, implorant de le laisser entrer. Le père fera tout pour empêcher son épouse d'ouvrir la porte, mais l'instinct maternel prendra le dessus, provoquant la perte de la famille au grand complet (ca fait un peu penser aux Vampires de Salem, hmmm?). Si le rythme de cette partie n'est pas assez soutenu, Bava compense par de superbes décors, savamment éclairés avec des couleurs dont il a le secret. Il ponctue également son récit de séquences particulièrement inventives au niveau de la mise en scène, et lorsqu'un vampire hypnotise le héros, on ressent parfaitement le trouble qu'on doit éprouver pendant cette manipulation/séduction. C'est aussi cela, un grand réalisateur.
Verdict: 7/10
Je me permets ici de faire un petit aparté, ne résistant pas à l'envie de dresser ici et maintenant, un petit top 5 des meilleures histoires de tous les films à sketches que j'ai vu (une petite vingtaine):
5 - From Beyond the Grave/Frissons d'outre tombe: le segment avec Peter Cushing, qui n'est pas vraiment un segment, mais plutôt la chute du film, car Cushing joue le rôle d'un antiquaire qui raconte des histoires à ses clients. Et il les raconte bien mieux que dans Le train des épouvantes...
4 - Nightmares/En plein cauchemar: Le segment "Night of the Rat" est terriblement réussi, avec un énorme rat qui a élu domicile dans la maison d'une gentille famille.
3 - Creepshow: le dernier segment, "They're Creeping Up On You", où un E.G. Marshall halluciné va devoir faire face à une horde de cafards. Hé oui, les petites bêbêtes, toujours... On ne se refait pas... ;-)
2 - Tales From the Darkside: à nouveau, le dernier segment, avec la gargouille ("Lover's Vow"), où comme souvent dans ces courts récits, la fin est très réussie. Aaaah, cette dernière phrase hurlée par Rae Dawn Chong: "TU M'AVAIS PROMIS DE LE DIRE A PERSONNE!!!!"
1 - Creepshow 2: souvent considéré comme moins bien que le premier, parce que Romero, patati, patata... Mais le deuxième segment "The Raft", qui était déjà la meilleure nouvelle du King selon moi, est ici superbement adaptée. Quand une grosse tâche noire qui flotte à la surface transforme les eaux d'un lac en cauchemar...
Six femmes pour l'assassin (Sei donne per l'assassino) - 1964
Agréable surprise que ce film, dans tous les sens du terme. Une petite précision s'impose: après avoir lu plusieurs articles sur Mario Bava, il y a un titre qui revenait très souvent dans la liste de ses films prestigieux: Six femmes pour l'assassin, vous l'aurez compris. Et justement, c'était le seul de cette liste que je n'avais pas encore vu. ô râge, ô désespoir... Jusqu'au jour où je découvre dans une rangée secrète de ma vidéothèque (comprendre planquée dans les tréfonds du hangar à K7) un titre inconnu de l'illustre réalisateur: L'Atelier de la Mort. Evidemment, les fans purs et durs lisant cet article sourient déjà en pensant à l'inculte que je suis, mais voilà, au fur et à mesure que le film avance, je me dis: "la vache, l'histoire ressemble drôlement à ce que j'ai pu lire sur Six femmes pour l'assassin". Et pour cause, c'est tout simplement un autre titre! Chose que je n'ai pu vérifier que par la suite, mais tout de même, ca m'a fait plaisir de tomber dessus sans le faire exprès!
Mais finissons-en avec le préambule, et attaquons direct le récit. Dans un atelier de haute-couture, un modèle est sauvagement assassinée. La police s'en mêle rapidement mais l'enquête piétine. Un second modèle disparaît à son tour, des suspects sont arrêtés pour alibis boiteux, mais le meurtrier est toujours en liberté. Qui peut-il bien être? Et pourquoi s'en prend-t-il à toutes ces femmes? Ne comptez pas sur moi pour révéler quoi que ce soit d'autre, mais s'il y a une chose qui est sûre: tout le monde semble être coupable car tout le monde a quelque chose à cacher. Rien ne facilite la tâche du spectateur, même en connaissant la fin, on se dit que ca aurait pu être un autre personnage tout en restant crédible. C'est donc là une des forces du film.
L'insaisissable assassin... Non, il n'est pas invisible...
Une autre, c'est une mise-en-scène très travaillée, au visuel époustouflant. Mario Bava soigne la moindre image de son film et c'est un régal pour les yeux. Je m'étais fait ce soir-là une soirée Bava, deux Lamberto et un Mario, j'avais poussé le vice à intercaler celui du père entre ceux du fils (Jusqu'à la Mort et La Maison de la Terreur), quelle différence!! Même si je me dois de tempérer un peu (Jusqu'à la Mort n'est qu'une production télé et La Maison de la Terreur n'est tout de même pas filmé avec les pieds...), force est de reconnaître que Bava père avait le cinéma dans le sang! Non seulement les plans sont superbes mais il n'en délaisse pas moins le plus important: le récit. C'est limpide, assez bien rythmé, joliment gore mais sans excès. Et même si ce n'est pas le film que je regarderais en boucle, je comprends tout à fait pourquoi on en parle tant, de ce Six femmes pour l'assassin...
Verdict: 7/10
Opération Peur (1966 - Operazione paura)
Rien de tel qu'un petit village complètement perdu et isolé pour que les vieiles légendes et superstitions remontent à la surface dès qu'un meurtre y soit perpétré. C'est un homme de science, le docteur Eswai, médecin légiste de son état, qui va être rapidement confronté à des évènements étranges. Arrivé sur place après l'inspecteur Kruger, ces deux réprésentants d'une société moderne vont avoir toutes les peines du monde à mener une enquête digne de ce nom, les villageois étant on ne peut plus réticents à affronter les démons de l'au-delà. Une petite fille spectrale, plus précisément, qui choisit ses victimes pendant la nuit.
Coup monté ou véritable apparition surnaturelle? Comme le héros du film, le spectateur reste dubitatif jusqu'au dénouement final, et c'est là l'une des forces du film. L'ambiance dans ce petit village est également très bien rendue, et je n'aimerais pas trop y traîner la nuit, pour tout dire! D'autant plus qu'il faut compter avec des personnages aussi inquiétants que la baronne Graps et Ruth, une authentique sorcière, interprétée par la sublime Fabienne Dali. Encore une actrice italienne qui brûle la pellicule... De par sa précense et sa très belle voix, elle devient la véritable héroïne du film en un clin d'oeil! Mario Bava ne s'y trompe pas et la sublime dans tous ses plans.
Il n'oublie pas non plus de glisser progressivement vers un fantastique de plus en plus appuyé, avec un manoir Graps labyrinthique dont l'éclairage est soigné aux petits oignons! Il n'hésite pas à utiliser un truc vieux comme le monde, où le docteur Eswai tente de rattrapper son double en courant d'une pièce à l'autre, la dite pièce étant toujours la même grâce à la magie du montage. Une musique inquiétante fait le reste, et même si l'opération peur n'est pas totalement remplie (cela reste un joli film gothique un peu désuet, je mentirais en disant que je me suis agrippé à mon fauteuil), l'ambiance est une fois de plus réussie à tous les niveaux. C'est tout ce que j'attends d'un film de Mario Bava (ici secondé par son fiston pour la seconde équipe de tournage).
Verdict 7/10
L'île de l'épouvante (1970 - 5 bambole per la luna d'agosto)
Un petit groupe de personnes, composé de 3 industriels, d'un scientifique et de leurs femmes se retrouvent sur une île pour prendre du bon temps. Mais un psychopathe se cache parmi eux, et petit à petit, élimine méthodiquement tous ces riches bourgeois. Si Bava n'aimait pas trop le script à l'origine, il s'est arrangé pour qu'il corresponde mieux à ce qu'il voulait, annonciateur de la Baie Sanglante: montrer des gens pour lesquels le public n'a aucune sympathie se faire trucider. Ils ou elles sont tous et toutes des faux-culs de première, des manipulatrices, imbus de leur petite personne et persuadés que l'argent est la valeur numéro uno. Même les plus sympathiques ont quelque chose à cacher, et la sarabande des meurtres met le spectateur dans une drôle de situation. Grand moment du film (le genre de petites scènes qui en tout doivent durer 2 minutes, mais qui me font garder un bon souvenir du film): les cadavres sont accrochés dans la chambre froide de la villa les uns après les autres, avec une petite musique au piano pour accompagner le tout, totalement décalée, limite musique de troupe ambulante.
L'endroit où l'action se déroule est superbe, une villa sur la plage, la nature, le beau ciel bleu... Toutes les femmes sont belles en particulier Edwige Fenech, grande habituée des productions italiennes de l'époque... Bref, c'est dans ce cadre paradisiaque qu'on pourra apprécier ce petit jeu de massacres, où l'identité du tueur n'a finalement que peu d'importance.
La preuve, je l'avais vu il y a trois ans, je ne me souvenais même plus de qui il s'agissait. Seul ombre au tableau, un immense passage à vide de plus de 30 minutes (sur un film de 80 minutes, c'est tout de même gênant), totalement inexplicable. Le premier meurtre survient très rapidement, trop rapidement même, car après plus rien... Les gens papotent presque comme si de rien n'était, alors qu'il y a eu un mort, et qu'en plus le bateau a disparu. Bloqués sur une île avec un meurtrier, je crois que j'aurais déjà démoli tout le mobilier pour me confectionner un radeau et foutre le camp, mais là, non, aucune panique, tout le monde reste stoïque. Et puis, vers la cinquantième minute, le film s'accélère et les meurtres se succèdent à un rythme presque effréné, rythmé par cette musique au piano à chaque fois que le corps de la victime est traîné jusqu'à la chambre froide, emballé dans un plastique et se balançant en cadence, pour bien le différencier des autres cadavres. Attention, le film n'est pas gore du tout, pas très violent, rien de tout cela... Juste ces petites notes qui résonnent encore dans ma tête...
Verdict: 6/10
Une hache pour la lune de miel (Il rosso segno della follia) - 1970
La chaîne Arte nous réserve souvent de bonnes surprises, comme cette diffusion d'un des Bava majeurs que je n'avais pas encore eu la chance de voir. C'était donc l'inratable de la semaine, et j'étais devant la télé un bon quart d'heure avant le début du film, chose assez rare pour être signalée. D'emblée, le début rassure, c'est une fois de plus magnifiquement filmé, la science du cadre précis et minutieux témoigne bien que le maestro est derrière la caméra (aidé du fiston pour la seconde équipe, mais là ca ne se remarque pas trop... ;-) ). Le film s'attarde sur John Harrington, qui s'occupe d'une boutique spécialisée dans les robes de mariage. Ce serait tout de suite assez ennuyeux, mais voilà John est un tueur en série... Systématiquement, les jeunes filles sur le point de se marrier seront occies à la hache (les goreux, circulez, y a rien à voir).
L'arme du crime servie sur un plateau d'argent...
Evidemment, difficile de bâtir une trépidante enquête policière avec un tel postulat, car le seul point commun qu'ont tous ces meurtres est justement Harrington lui-même, qui en même temps qu'il fournit une robe de mariée, donne un indice plus que parlant à la police. D'ailleurs l'inspecteur le suspecte fortement dès le début du film, il ne lui reste plus qu'à dénicher des preuves. Mais le scénario bifurque vers tout autre chose et va plutôt s'intéresser à la psychologie du tueur, de ses rapports avec sa femme qui le méprise (elle ignore tout de sa double personnalité, bien entendu...) et qui refuse de divorcer uniquement pour ne pas perdre d'argent. Et bien entendu, on connaîtra à la fin du film le trauma qui le pousse à tuer des futures mariées (il ne faut pas s'attendre à un twist de la mort qui tue, c'est assez simpliste...).
Notre ami le tueur dans un geste quotidien. Regardez bien son visage. Ce sera la même expression pendant tout le film...
Si la réalisation tente vaille que vaille de rendre cette étude psychologique passionnante, Bava est ici confronté à un problème de taille: l'acteur principal Stephen Forsyth (10 films de 1964 à 1970... Une hache pour la lune de miel est d'ailleurs son dernier film...) est absolument imbuvable. Aussi charismatique qu'une courgette, on est ici en présence d'un des tueurs en série le plus transparent qui soit! Un énorme inconvénient quand on sait que l'acteur est de tous les plans et très rapidement, un ennui mortel s'installe... J'estime qu'il faut un minimum de fascination morbide pour qu'un film de ce genre puisse plaire au spectateur, et on est très loin d'être fasciné par un tel personnage, qui aborde quasiment la même expression figée tout au long du métrage. Vraiment dommage, car il y avait là matière à faire un bon film, pourtant... Comme quoi, un bon casting, ca ne peut pas faire de tort...
Le seul moment du film qui m'a pour ainsi dire réveillé... Les trois visages de la peur passent à la télévision et notre assassin s'en sert même comme alibi! Croustillant...
Verdict 4/10
La baie sanglante (Reazione a catena) - 1971
Visionné une première fois sur une VHS qui date de Mathusalem, et une seconde fois grâce à Mad Movies, entre les deux, La baie sanglante n'a rien perdu de son efficacité et de sa férocité. Pour une sombre histoire de propriété que tout le monde vise à s'approprier, une magnifique baie sera le théâtre de meurtres sanglants. La première scène résume bien le film à elle toute seule. La propriétaire, seule dans son grand château et soucieuse de préserver son beau domaine, est étranglée à mort par son mari, désireux de s'accaparer sa fortune. La vieille femme n'a même pas le temps de rendre son dernier souffle que le mari est assassiné à son tour par un mystérieux inconnu. Dès lors, les héritiers, tous des vautours humains, se ruent vers la baie, plus pour l'argent que pour résoudre ce double meurtre abominable. Et la réaction en chaîne de continuer (voir le titre original absolument parfait)...
Si La baie sanglante s'est fait de plus en plus connaître au fil du temps, c'est surtout parce qu'il peut être considéré comme l'inspiration majeure d'un genre né dans les années 80: le slasher. Bien avant les Vendredi 13, Mario Bava se faisait une spécialité de suppressions aussi variées que sanglantes: strangulation, empalement, armes blanches... Notre ami Jason a surement bien potassé ce film avant de passer à l'action! Si la réalisation du maître n'est pas aussi léchée que d'habitude, elle gagne en nervosité. Très sèche et très crue en particulier lors des scènes de meurtres. Ce qui nous donne une ambiance assez poisseuse, bien relayée par une musique très seventies signée Stelvio Cipriani. Le réalisateur se permet néanmoins quelques petites touches d'humour ci et là pour décompresser un peu. Malgré tout, il manque un petit quelque chose pour que le film soit considéré comme une réussite. Pas mal de temps morts qui ralentissent le récit et quelques personnages un peu lourdingues, mais rien de honteux en soi.
Verdict: 6/10
Baron Vampire (1972 - Gli orrori del castello di Norimberga)
Autriche. Peter Kleist retourne dans son Autriche natale, pour faire une petite visite chez son oncle et visiter le château d'un des ses ancêtres, le Baron Otto von Kleist. Ce dernier est au coeur de plusieurs légendes de la région, des légendes pas très recommandables, évidemment! Poussé par la curiosité, le brave Peter, accompagnée de Eva Arnold, l'assistante de son oncle (jouée par Elke Sommer, que Bava retrouvera deux ans plus tard, voir ci-dessous) va réveiller le Baron du sang avec une incantation trouvée dans un vieux grimoire (les grimoires sont toujours vieux, d'ailleurs...). Voilà pour une première partie tout à fait agréable, avec la présentation des lieux, un vieux château, et surtout sa chambre de torture. La réalisation est soignée mais très classique et on attend que le maître se lâche avec l'apparition du fameux baron. Et c'est à partir de ce moment-là que les choses se gâtent, car malheureusement ce personnage sera franchement bâclé, à tel point que j'ai souvent eu l'impression de regarder un épisode de Scoubidou, avec le monstre qui est en fait bien humain et qui porte un masque de kermesse. Mais non, il s'agit bien d'un personnage fantastique à part entière mais dont le potentiel ne sera jamais utilisé, sauf peut-être dans une scène où un malheureux finira ses jours dans un cercueil style Vierge de Nuremberg, donc hérissé de piques.
Le reste du temps, le grand méchant du film se résume à une ombre fugitive, qui se contente de courir après l'héroïne ou bien d'ouvrir une porte, zoom sur la clinche à l'appui. Rien de bien folichon. En revanche, une scène très réussie montre nos héros demander conseil à une médium afin de se débarrasser de leur ennemi (je leur aurais surement répondu "Fallait pas l'invoquer, bande de moules!"). Une apparition surnaturelle se chargera de leur révéler le moyen d'envoyer le baron ad patrès.
Voilà typiquement une scène où Bava est très fort, un simple effet d'éclairage et une bonne incrustation, et voilà un esprit on ne peut plus crédible qui s'adresse à des mortels stupéfaits. L'image est magnifique et je suis persuadé que dans 10 ans, en évoquant ce film dans mon cerveau, ce sera la seule qui restera. Insuffisant pour en faire un bon film, sans doute que le maestro se fatigue tout doucement du genre...
Verdict 5/10
La maison de l'exorcisme (La Casa dell'esorcismo) - 1973
Réponse italienne à L'exorciste, qui a certainement été torchée en quatrième vitesse, car les deux films sont sortis la même année. Mais ici, il faut bien l'avouer, l'exorcisme en soi, on s'en bat les roubignoles. C'est plus un prétexte pour raconter une autre histoire, celle qui intéresse Mario Bava, visiblement. Lisa Reiner (Elke Sommer) fait du tourisme avec une de ses amies en Espagne. Attirée dans une boutique, elle fait la connaissance bien malgré elle d'un personnage intriguant, interprété par Telly Savalas. Et lorsqu'elle rejoint son groupe, la voilà possédée! Elle se retrouve à l'hôpital, où les médecins sont totalement impuissants face à cette furie qui éructe de la purée verte. Entre en scène un prêtre, qui fera tout son possible pour sauver la malheureuse. Malheureuse qu'on retrouve déambulant dans la ville, perdue. A la tombée de la nuit, elle trouvera refuge dans une maison tenue par une comptesse et son fils. Don d'ubiquité? Rien de tout cela, le cheminement de l'exorcisme est raconté à travers une histoire, comme s'il s'agissait de flashbacks. Original, et surtout, l'intérêt du film bascule totalement. Après tout, on le regarde pour avoir sa petite scène d'exorcisme, on est tenté de se passionner pour cette partie, alors qu'en fin de compte, elle est totalement dénuée d'intérêt: mise-en-scène paresseuse, cabotinage de l'actrice, plagiat minable du film de Friedkin (mais alors, vraiment minable! Pour copier la fameuse scène de l'araignée, Elke Sommer doit se contenter de se mettre dans une position qui démontre certes sa souplesse mais que tout un chacun est capable de faire. Autant dire que l'impact de la scène est immédiatement réduit à néant!). En revanche, la partie qui se déroule dans la maison et qui explique la raison de cette possession (d'où le titre), teintée d'onirisme, est nettement plus intéressante.
Pas parfaite, loin de là, mais on sent clairement que le réalisateur est bien plus à l'aise pour raconter une histoire où tout le monde tue tout le monde, dans une ambiance similaire à La baie sanglante. Techniquement, c'est très bien filmé, très bien éclairé, rien à redire. Dommage que le charisme naturel de Telly Savalas ne soit pas plus exploité, se limitant plus à un spectateur de l'action. Normal, c'est le diable, marionettiste de nos pauvres âmes humaines. Et je n'utilise pas cette phrase comme métaphore, c'est clairement lui qui tire toutes les ficelles. Un personnage intéressant, qui rend le tout plus agréable mais ne suffit pas à combler les lacunes d'un film où je me suis tout de même assez ennuyé. A noter qu'il existe plusieurs versions du film et que j'ai peut-être vu la moins bonne...
Verdict: 4/10
Schock - 1977
Merci Mad Movies pour la découverte de ce petit monument, peut-être mon Mario Bava préféré. Dora Baldini (impériale Daria Nicolodi!! J'y reviendrai plus tard...), dont la vie précédente avec un drogué a été un véritable calvaire, recommence sur de nouvelles bases avec son fils Marco, né de cette précédente union et Bruno, son nouveau compagnon. Enfin, pas si nouvelles que ça, car ayant vécu quelques temps chez Bruno, ce dernier décide de retourner vivre dans l'ancienne maison de Dora. Celle-ci se trouve justement près de l'aéroport, et comme Bruno est pilote de ligne, ca tombe à pic. Dora n'est guère enchantée mais se plie de bonne volonté. Le temps passe, et l'enfant développe petit à petit un comportement bizarre, voire irritant. Bruno étant souvent absent à cause de son travail, les nerfs de la pauvre Dora vont progressivement lâcher, jusqu'à ce que la mince frontière qui sépare la raison de la folie vole en morceaux. Désormais, les fantômes du passé ont repris possession de la maison...
Et de quelle manière!! Si Mario Bava aurait pu se contenter d'une banale histoire de maison hantée, il n'en est rien. Tout le film repose sur l'ambiance de folie qui gagne peu à peu une très convaincante Daria Nicolodi, parfaitement à l'aise dans le rôle d'une névrosée finie, fragile et en même temps inquiétante. Même si le film prend clairement une orientation fantastique, le réalisateur prend soin de laisser l'ambiguïté planer jusqu'à un final démentiel dans tous les sens du terme! Et soigne un visuel en adéquation avec cette atmosphère oppressante: jeu de miroirs déformants, apparitions cauchemardesques d'une main putréphiée, effets sanguignolents... Tout contribue à la réussite du long-métrage. Evidemment, on pourra reprocher une mise-en-place un peu longuette, mais le suspense monte crescendo, et il faut se rendre à l'évidence, la relative lenteur du début contribue largement au succès d'une dernière demi-heure frénétique. A noter que sur ce film, le fiston terminera son travail d'apprentissage en tant qu'assistant-réalisateur et deux ans plus tard, il co-réalisera avec son père un téléfilm, toujours avec Daria Nicolodi. C'est la dernière fois que Mario Bava se retrouvera derrière une caméra, et il nous quittera l'année suivante d'une crise cardiaque.
Verdict: 8/10
Soundwave